Voici, comme prévu, un deuxième texte sur la réforme scolaire. Son auteur, Alexandre Command, met en lumière notamment le doute qui traverse aujourd’hui le corps enseignant. Ici, comme ailleurs, le recul du sens civique a, en quelque sorte, entraîné le credo républicain à céder le pas aux revendications individuelles ou catégorielles. Triste réalité que la réforme ne corrige en rien.

Alexandre Command est professeur de « Sciences Économiques et Sociales » et « Droit et Grands Enjeux du Monde contemporain », au Lycée Saint-Joseph, à Thonon-les-Bains.

Il livre ici son expérience « côté enseignant » de la mise en place de la réforme du bac, telle qu’il la vit depuis près de deux ans maintenant.

Il y a un fait qu’aucun enseignant de France et de Navarre ne contestera, à propos de Jean-Michel Blanquer : si l’inamovible ministre de l’Éducation nationale d’Emmanuel Macron est parvenu à augmenter la charge de travail des enseignants (des gens qui, ne l’oublions pas, « [ne] travaillent [que] dix-huit heures par semaine, huit mois de l’année », comme le disait un certain Nicolas Sarkozy en 2016…), il est également parvenu à semer le trouble, non seulement chez les élèves mais aussi au sein même des familles.

La réforme du lycée s’accompagne, chacun le sait, d’une refonte du baccalauréat et l’introduction d’une dose massive de contrôle continu constitue à cet égard l’innovation majeure. Il est maintenant évident que l’on n’avait pas vraiment imaginé, outre l’augmentation de la quantité de corrections pour les enseignants, en cours d’année scolaire, de conséquences négatives à cette solution. Et pourtant ! Désormais, du fait du contrôle continu, l’obtention du baccalauréat se construit tout au long des années de Première et de Terminale, et ne relève plus seulement de quelques examens corrigés par des anonymes, en fin de Terminale. En outre, puisque l’orientation pour l’enseignement supérieur via Parcoursup repose sur le livret scolaire de l’élève, c’est-à-dire en fait sur les bulletins scolaires des années de Première et Terminale, les enseignants sont maintenant régulièrement sous pression des élèves et des familles. La sacro-sainte bienveillance qui est exigée d’eux ne suffit plus ! Voilà maintenant qu’il faut, à chaque évaluation, justifier de la note, de son coefficient, des modalités de l’évaluation, voire de sa nature même ! Nous voici maintenant accusés quasi-quotidiennement et par les élèves et par les parents, de « pénaliser » l’élève. « Pensez un peu à son dossier », « Pensez un peu à son orientation ». Nous voici responsables de l’échec de leur brillante vie professionnelle future ! Courriels et coups de téléphone pleuvent, les parents n’hésitent plus à demander au chef d’établissement de rendre compte du travail de leurs enseignants.

M. Blanquer souhaitait « construire l’école de la confiance », il semble plutôt avoir créé l’école de la méfiance !

 

Louis Caul-Futy