1 – Vaccins : des biens communs et universels

La course de vitesse engagée sur l’ensemble de la planète contre un virus toujours meurtrier et la recherche de traitements et vaccins, sont particulièrement intenses.

L’organisation mondiale de la santé (OMS) vient de préciser que 48 vaccins sont en phase d’essai clinique, depuis le 10 décembre, ce qui constitue un espoir à la hauteur du drame qui se déroule quotidiennement, conduisant à de terribles conséquences sanitaires, sociales, économiques, psychologiques, culturelles et civilisationnelles.

Mais la santé n’a pas vocation à être laissée aux mains des seules multinationales. Une action devrait impérativement être lancée pour que les vaccins sécurisés deviennent des BIENS COMMUNS ET UNIVERSELS. N’oublions pas d’ailleurs que les progrès médicaux, fruits du travail de scientifiques, sont financés en partie avec de l’argent public et qu’ils pourraient être ainsi le moyen de diminuer les coûts de production au service de l’intérêt général.

Une bonne nouvelle : l’OMS a lancé une initiative baptisée COVAX pour centraliser la recherche sur la Covid-19 et assurer la distribution équitable des vaccins sur la planète. 184 pays ont décidé déjà de s’y engager et l’U.E. a décidé, elle, d’y recourir en participant au dispositif à hauteur de 500 millions.

N’oublions pas que la France a bâti son savoir scientifique sur la force du service public. Elle devrait donc naturellement tendre à organiser un grand service public coopératif de la recherche et de la santé. On ne peut qu’émettre le vœu qu’un mouvement européen et pourquoi pas mondial, se constitue pour obtenir que le vaccin soit considéré comme UN BIEN COMMUN DE L’HUMANITÉ.

Une nouvelle ère alors pourrait s’ouvrir sur des bases de partage et de fraternité.

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2 – L’Ubérisation de l’État

Il n’a fallu qu’une quinzaine d’années pour que 5 firmes, les GAFAM : – GOOGLEAPPLEFACEBOOKAMAZONMICROSOFT – parviennent à monopoliser les secteurs de la messagerie, des réseaux sociaux, de la communication, des moteurs de recherche ou des smartphones. Cinq firmes tentaculaires qui se sont bâti de véritables empires.

Or, elles ne comptent pas en rester là. Désormais, elles prétendent investir les grandes missions publiques que sont la SÉCURITÉ, la SANTÉ, l’ÉDUCATION ; elles sont prêtes, ainsi, à dessiner un contour d’un nouveau modèle d’État.

Sont en jeu, dans une telle perspective, des sommes colossales puisque ce nouveau champ administratif convoité représente au moins le quart du P.I.B. des pays développés. De plus, elles comptent aussi appliquer leurs propres normes morales, juridiques, sociales, indépendamment des lois existantes, des intérêts des pays, mais aussi des cultures.

Ce qui est déjà particulièrement grave, c’est que la crise que nous traversons a consacré ces géants privés à la tête de biens communs comme actuellement les réseaux et plateformes. Or, le mouvement s’est avéré si puissant que le Conseil d’État en 2017, s’est saisi de la question (*). Il affirmait qu’en matière d’évolution, rien ne justifie de jeter par-dessus bord, les principes fondamentaux d’égalité de traitement et de neutralité de l’action publique. L’enjeu est là. Ces firmes ne sont pas neutres. Il est d’ailleurs illusoire de leur demander de l’être. Leur fonction est de classer et de faire des choix. En ce sens, elles déshumanisent mais encore elles mettent en cause la démocratie. Prétendre stopper l’offensive autour de quelques fonctions régaliennes grâce à une sorte de ligne Maginot est illusoire, tout simplement.

D’autres voies que celle de l’ « ubérisation de l’État » sont à emprunter, si l’on veut garantir le droit et la capacité de délibération des citoyens, et aussi leurs possibilités de choix collectif, ce qui n’est autre que leur LIBERTÉ. Toute modernisation respectueuse des choix politiques suppose de faire une large place à la CULTURE DE SERVICE PUBLIC, face aux pratiques bureaucratiques comme face à l’illusion d’une démarche techniciste.

(*) Étude annuelle 2017 « Puissance publique et plateformes numériques : accompagner l’ubérisation. »

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3 –  Aux petits paysans : des miettes

Un récent rapport du FONDS INTERNATIONAL DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE (F.I.D.A.) informe que les petits exploitants agricoles produisent LA MOITIÉ des calories alimentaires consommées dans le monde, mais qu’ils ne reçoivent que 1,7 % des financements publics pour le climat.

Le financement des mesures de lutte contre le changement climatique, sachons-le, a pour la première fois, dépassé 500 milliards de dollars, mais hélas, seuls 10 milliards sont tombés dans la poche des petits paysans.

– Qui sont ces petits exploitants ?

Ces petits exploitants sont ceux qui opèrent sur moins de 5 hectares de terre. Ils représentent 95% des fermes du monde et 20% de la surface agricole mondiale. En Asie et en Afrique subsaharienne, ils fournissent 80% de l’alimentation qui est produite, alors que la hausse des températures se poursuit et que la sécheresse et les inondations détruisent les cultures et le bétail.

Selon Gilbert F. Houngho, Président du F.I.D.A., ces petits paysans « vivant sur des terres à faibles rendements, sont en première ligne face aux changements climatiques. Ils devraient donc avoir accès aux financements indispensables pour adapter leur production ».

De plus, il faut savoir que l’élevage intensif, la riziculture et la production d’engrais sont les trois secteurs agricoles les plus émetteurs de gaz à effet de serre (G.E.S.) alors que les petites fermes, elles, en émettent peu.

– Le F.I.D.A. insiste donc en disant que « les pouvoirs publics doivent veiller à ce que les financements climat parviennent aux personnes qui en ont le plus besoin ».

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4 –  Une Europe de la santé bientôt ?

La Commission européenne semble bien décidée d’en finir avec la vision peu exaltante d’une Europe particulièrement désemparée dans ce temps de pandémie.

Fracturée par des frontières fermées, étalant ouvertement une concurrence implacable entre pays membres, concernant l’approvisionnement en équipements essentiels, incapable d’harmoniser les mesures sanitaires entre pays, vaccins, etc… face à cette triste situation, elle vient de publier en novembre, un bilan de la gestion de la crise sanitaire qui n’est autre qu’un réquisitoire contre les actions unilatérales des gouvernements européens. On y lit, entre autres, qu’il y a eu :

  • « des lacunes importantes » dans « la préparation et la rédaction en matière de santé publique »
  • « des incohérences dans l’application des mesures sanitaires »
  • « un manque d’équipements » et « des pénuries de capacité »
  • « des défaillances en matière de dépistage » et de « recherches des contacts »
  • « l’incapacité à protéger les groupes les plus vulnérables »
  • « des faiblesses structurelles et un manque de ressources dans un processus lent et inefficace »,

toutes choses évidentes qui ont conduit la Commission à en tirer la conclusion qu’il faut construire une « UNION EUROPÉENNE DE LA SANTÉ », en étroite coordination avec l’O.M.S., l’Organisation Mondiale de la Santé.

C’est à l’évidence un beau projet dont on peut considérer qu’il est synonyme de SOLIDARITÉ, de MISE EN COMMUN, de COOPÉRATION. Reste, bien évidemment, à en suivre de près la réalisation : de la constitution de stocks en matériel médical, à la mutualisation de commandes de vaccins.

Il faut savoir que la santé est, pour l’essentiel, du ressort de chaque État, même s’il existe, complémentairement, des organismes européens comme le « Centre de prévention et de contrôle des maladies » ou « l’Agence européenne des médicaments ».

Le nouveau projet aura donc comme rôle essentiel de renforcer de façon cohérente les deux organismes existants, de consolider les financements, tout cela dans une dynamique de coopération.

Il reste essentiel pour autant que ce bon projet ne soit pas de nature à endormir notre vigilance, surtout quand il s’agit de « partenariats » avec l’industrie pharmaceutique. Chacun sait, en effet, que l’éthique et le marché est un couple qui ne fait pas forcément bon ménage.

Et, pourquoi s’il s’agit d’un bon projet à construire, ne pas l’accompagner d’une consultation des représentants des médecins européens, du personnel soignant et aussi des usagers, autrement dit des citoyennes et des citoyens ?

 

Louis Caul-Futy