Alors qu’un troisième confinement semblait inévitable, le gouvernement  a choisi de se donner encore un peu de temps. Malgré ce recul,  il n’est pas certain du tout que l’on puisse échapper durablement à cette troisième vague.


Chaque fois que la question se pose de devoir prendre des mesures contraignantes, dans ce combat contre le virus, il faut faire un choix entre  santé des personnes et santé de l’économie. Il est évident que le prolongement de la crise sanitaire ne cesse de compliquer le pilotage de la lutte engagée pour la freiner et y mettre fin le plus tôt possible. Il faut reconnaître que gouverner le navire, aujourd’hui, n’est pas forcément chose aisée.

En effet, la situation se complique. Bien évidemment, il  s’agit de donner la priorité à la santé des Français, mais à l’enjeu que constitue  la santé physique, s’ajoute celui de la santé morale de la population. En effet, l’état d’abattement dans lequel se trouvent beaucoup de Français est de plus en plus évident, chez les jeunes en particulier, sans que l’on  en mesure  complètement les conséquences sur leur vie. Pour les jeunes, les relations comptent, elles sont essentielles, avec les amitiés qui se créent, avec le collectif qui s’apprend. Or, cet abattement se révèle particulièrement, chez les étudiants. Ils se sont vu imposer des conditions de travail et de vie particulièrement sévères qui entraînent de lourdes conséquences,  dans plusieurs domaines.

  • D’abord, en matière FINANCIÈRE. Quand les restaurants universitaires sont fermés, ils perdent l’avantage de payer leurs repas à des prix très intéressants. Quand ils ne peuvent plus prétendre aux petits boulots disparus avec la crise et quand, dans le même temps, les prix de scolarité n’ont pas changé.
  • En matière de SOLITUDE, ensuite. En particulier pour ceux qui sont désormais quasiment prisonniers dans les résidences universitaires ou dans leurs chambres de bonne, face aux seuls écrans ou avec leur seul portable comme moyen de sociabilité. Il faut avoir conscience que  si la communication digitale me connecte, dans le même temps, elle m’isole. C’est, de fait, ce qui se passe sans la présence de l’Autre, sans écoute, sans voisinage : la communication est dégradée au rang de simple échange d’information. Sans voisinage, aucune communauté ne se forme.
  • En matière de STRESS encore, relativement à leurs études surtout ; études à travers des cours dans lesquels la parole : questions, remarques, dialogue  n’existent plus. Ingurgiter de longues heures de cours magistraux dans ces conditions, il y a de quoi craquer ! D’ailleurs nombreux sont ceux qui craquent et abandonnent.

Sans doute faut-il que notre système éducatif se donne les moyens de prendre en compte l’étudiant  dans tous les aspects de sa vie et non seulement à travers les notes ; qu’il se donne aussi les moyens d’évaluer, non seulement le savoir-faire mais aussi le savoir-être. On peut penser que cette génération puisse sortir plus riche de l’épreuve actuelle, parce que  sensibilisée au besoin de solidarité entre générations, au prix de la relation humaine, au besoin d’amitié, à la place de la parole… Sans doute, sera-t-elle aussi en capacité de faire preuve d’une forte résilience.


Mais aujourd’hui les médias ont trouvé un slogan : « Génération sacrifiée » ; slogan désastreux, abusif et dangereux ! Cette génération n’est pas à exclure ! Nous sommes concernés : à nous de donner  à cette génération sa juste place, Il nous faut restaurer une société de la parole, de l’écoute et de la reconnaissance de l’Autre. C’est sans aucun doute la seule porte de salut pour combattre ces fléaux ravageurs que sont l’isolement et la souffrance morale.

Louis Caul-Futy