LES DROITS FONDAMENTAUX

L’Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne  a conduit une enquête  auprès de 42 000 femmes des 28 pays de l’Union  sur la violence à l’égard des femmes. Cette enquête a donné lieu à un rapport qui met en évidence  les différentes formes de violence exercées contre elles, en tant que violation des droits fondamentaux, en matière de dignité et d’égalité et d’accès à la justice.


Les résultats de cette enquête montrent en effet que, par exemple, depuis l’âge de 15 ans :

  • une femme sur trois a subi, au moins une forme de violence physique et/ou sexuelle
  • une femme sur cinq a fait l’objet d’une traque furtive
  • une femme sur deux a été victime d’une ou plusieurs formes de harcèlement sexuel.
    • Concernant le harcèlement sexuel, sous ses différentes formes, il est estimé  qu’entre 83 et 102 millions de femmes dans l’U.E., de 45 à 55 % en ont été victimes depuis l’âge de 15 ans.
    • Concernant la traque furtive (stalking), 9 millions de femmes en ont été victimes, sur une période d’une année. La traque furtive regroupe aussi bien des messages ou des menaces répétés que des suivis, des appels téléphoniques incessants, des commentaires sur Internet, etc.
    • Concernant la violence physique, on estime que 13 millions de femmes en ont été victimes, au cours de douze derniers mois  (7 %), des femmes âgées de 18 à 74 ans.
    • Concernant le viol, une femme sur 20 (5%) a été violée dès l’âge de 15 ans.

Les résultats de cette enquête effectuée à la demande de la Présidence espagnole et du  Parlement européen, dressent un tableau  d’abus graves qui touchent la vie de nombreuses femmes mais dont le signalement aux autorités reste faible. Par conséquent, l’envergure des violences faites aux femmes n’est pas reflétée par les données officielles.
Il s’agit de l’enquête le plus complète réalisée à ce jour dans l’U.E.,  où les mêmes questions, traduites dans les différentes langues des États, ont été posées à toutes les femmes.
Sur la base des résultats détaillés, l’Agence pour les Droits Fondamentaux de l’U.E. suggère des voies à suivre comme éléments de réponse, dans différents domaines, pour une intervention s’étendant au-delà du droit pénal, dans les secteurs de l’emploi, de la santé et des nouvelles technologies.


Cette violence à l’égard des femmes, en particulier, celle fondée sur le genre, constitue une violation des Droits de l’Homme fortement répandue que l’Union Européenne ne peut plus se permettre d’ignorer.

La  Fondation des Droits Fondamentaux de L’union Européenne / Schwarzenbergplatz 111040 – VIENNE-Autriche < FRA,europa, eu-info@fra.europa,eu >

ÈveIllustration de C. Guillet

CES BÂTISSEUSES PRESQUE TOUTES INCONNUES

Elles ont joué un rôle majeur dans leur  pays, dans l’histoire économique, politique, sociale, éducative, scientifique de leur époque. Nous ne les connaissons pas ou peu. Nous n’avons jamais entendu parler d’elles ou très peu. À ce silence, à cette absence, à cette ignorance, il n’y a qu’une raison : CE SONT DES FEMMES !


– L’histoire économique :

L’histoire économique traditionnelle les a longtemps oubliées. Les quelques-unes qui  ont joué un rôle non négligeable  ont longtemps été considérées comme l’exception qui confirmait la règle selon laquelle l’économie est une question d’hommes. Et puis, les femmes d’aujourd’hui sont parvenues à se plonger dans l’histoire et constituer une longue liste de  cheffes d’entreprise, de financières, d’économistes, d’inventrices… Sortons-en quelques-unes de l’oubli. OLIVE DE LESTONNAC (1572-1652),  JEANNE BOUVIER (1865-1964), MAGGIE LÉNA WALKER (1864-1934), SUZANNE LACORE (1875-1975), cheffe d’entreprise, syndicaliste, Résistante, ministre, chacune d’elles a joué un rôle clé, dans l’économie de son époque. Elles restent cependant méconnues. Faut-il rappeler pourtant  que la place des femmes dans le monde du travail a toujours été « massive et indispensable » (1). Après avoir travaillé à la ferme ou à la boutique, il leur fallait s’occuper du ménage des courses et des enfants… Mais pour comprendre cette approche économique centrée essentiellement sur l’homme, il faut rappeler que le droit a subordonné les femmes à leur mari, en France, jusqu’en 1938 ! Cela signifiait : pas le droit de signer de contrat, pas le droit de faire des emprunts… Ajoutons que la théorie économique moderne apparaît au XVIIIème siècle, en même temps que s’impose la théorisation des deux sexes opposés. Les femmes sont classées dans la partie inactive de la population parce qu’être un acteur économique n’est pas dans la « NATURE FÉMININE ».

  • JOAN ROBINSON (1903-1983) est une critique, rebelle à toutes les orthodoxies ; sa critique du capitalisme contemporain, dans le caractère monopolistique de son appareil productif, est acerbe  Elle a publié 24 livres d’économie, des centaines d’articles, publications reconnues comme des contributions majeures. À 63 ans, elle est nommée professeur d’économie.
  • AMÉLIE DE DIETRICH (1776-1855), épouse de Fritz De Dietrich, prospère  considérablement dans la métallurgie, après avoir pris les rênes de l’entreprise à la mort de son mari. Elle passe de la production de métal  à la fabrication   de constructions mécaniques, destinées aux secteurs de la nouvelle économie qui sont en plein développement : le textile et les rails de chemin de fer. Elle s’impose et dans l’entreprise et dans le monde industriel. Mais cette maîtresse  cheffe d’entreprise impose aussi une grande inégalité  puisqu’elle gagne le double du salaire de trois hommes !
– L’histoire sociale :

Des femmes ont aussi un rôle social et économique important dans le syndicalisme.

C’est le cas de JEANNE BOUVIER :

La révolution industrielle n’a pas été tendre avec les ouvriers et encore moins avec les ouvrières qui sont moins  bien payées et moins bien considérées que les hommes. Née d’une famille ouvrière de la Drôme, dès 11 ans, elle travaille à l’usine où la journée commence à cinq heures du matin pour se terminer à huit heures du soir. Elle devient militante de la C.G.T et militante féministe. Elle se bat vigoureusement pour faire progresser la revendication d’un congé maternité de douze semaines, jusque dans l’Organisation Internationale du Travail Féminin dont elle est devenue Vice-Présidente. Collaboratrice  de la Bibliothèque Sociales des Métiers, « la petite paysanne peu scolarisée », écrira cinq livres sur l’histoire des femmes (2).


– L’histoire de la Résistance :

Difficile de ne pas évoquer le rôle important que les femmes ont joué dans la Résistance, en cette année-anniversaire des 80 ans de ses débuts.

Là encore, on les confine dans un rôle jugé subalterne  mais qui se révèlera essentiel au fonctionnement de la Résistance : frapper les rapports, organiser des rendez-vous, collecter les messages. Les femmes n’exercent pas de fonctions dirigeantes dans la Résistance, sauf quelques exceptions. CÉCILE AUBRAC en sera une. Cécile Aubrac est agrégée d’histoire-géographie. En 1939, elle épouse Raymond SAMUEL qui prendra, comme résistant, le nom  d’AUBRAC. Il est membre de l’Armée Secrète.
Lucie qui devient agent de liaison, s’avère être particulièrement efficace. Elle réussira  à faire évader Raymond, prisonnier de la Gestapo, à trois reprises.

En février 1944, le couple se rend à Londres et en août, Lucie défile sur les Champs-Élysées, aux côtés du Général de Gaulle.

La vie de Lucie a inspiré plusieurs films,  notamment « L’armée des ombres », de Jean-Pierre Melville, dans lequel Simone Signoret interprète le rôle de Mathilde. Jeune lycéenne, l’actrice a eu comme professeure d’histoire-géo, une certaine LUCIE AUBRAC.

– L’Histoire politique :

Le Front populaire a innové dans bien des domaines. Parmi ses innovations, on oublie trop souvent la nomination par Léon Blum de 3 femmes à des postes de ministres, en 1936. Les voici :

  • CÉCILE KAHN (1877-1948) : mariée au philosophe Léon Brunschvicg, elle milite dans des associations féministes, puis devient présidente de l’Union Française pour le Suffrage des Femmes et rédactrice en chef de l’hebdomadaire féministe,  La Française. Elle est nommée Sous-secrétaire d’État à l’Éducation Nationale.
    Elle développera fortement les cantines scolaires. Elle développera, aussi, avec vigueur, la prise en charge, à l’école, des enfants handicapés.
  • SUZANNE LACORE (1875-1975) : Issue d’une famille de Périgueux, elle est institutrice de village. Elle est cofondatrice du Comité National des Femmes Socialistes. Sa nomination comme Secrétaire d’État à la Protection de l’Enfance surprend tout le monde, elle, y compris. Mais Blum qui la connaît envoie un signal politique fort, en nommant  ministre, une institutrice et une femme du monde rural.
    Suzanne Lacore s’attachera à améliorer considérablement les conditions de vie des enfants abandonnés à l’Assistance Publique.
  • IRÈNE JOLIOT-CURIE (1897-1956) : Cette femme de 39 ans, prix Nobel de chimie et fille de prix Nobel, nommée Sous-Secrétaire d’État à  la Recherche scientifique, apporte sa caution à un gouvernement qu’elle soutient. Féministe, antifasciste, ce n’est pas une militante, seule la science compte.
    Elle va d’ailleurs se consacrer, comme ministre, à renforcer le poids politique des chercheurs, à obtenir des budgets et elle va lancer ce qui deviendra le Centre National de la Recherche Scientifique, (CNRS).

Ces trois ministres restent trop peu de temps au pouvoir. Elles n’auront pas d’énormes moyens et leur présence au gouvernement ne sera pas suffisante, hélas, pour que soit accordé  le droit de vote aux femmes. Ce n’est pas l’heure, encore !
Nos trois hirondelles de 36 ne font pas le printemps !

Plonger dans l’histoire économique, politique, culturelle, sociale, scientifique, c’est découvrir que les femmes d’affaires, de projets, de créations, de défis, ont toujours existé. Qu’elles soient juridiquement subordonnées à leur mari, qu’elles soient contraintes par la pression publique, n’a pas empêché  nombre d’entre elles de conquérir leur autonomie et de devenir des bâtisseuses qui, sans surprise, n’ont absolument rien à envier à leurs collègues masculins. Il est temps d’en avoir, enfin, pleine conscience.



(1) Les femmes et le silence de l’histoire. Flammarion 2020
Un siècle de travail des femmes en France. La Découverte 2012
(2) Mes mémoires ou 59 années d’activités industrielle, sociale et intellectuelle d’une ouvrière. La Découverts-Maspero.
(3) Femmes de la Résistance  1940-1945. Édition du Rocher 2020 de Paul Lefebvre-Filleau.

 

 

Louis Caul-Futy