L’École est-t-elle devenue une cible privilégiée pour le projet politique de l’islamisme ? C’est là que l’on enseigne la laïcité, c’est-à-dire la stricte séparation entre la religion et l’État, la liberté de conscience, y compris jusqu’au blasphème et le droit d’exercer le culte que l’on veut.
Samuel Paty vient d’en être odieusement la victime. Il n’est pas le pre- mier à avoir été assassiné mais il est le premier à l’avoir été parce qu’il était enseignant.

Les établissements scolaires sont donc désignés, désormais, semble- t-il, ouvertement, comme des zones de lutte.

La mission des enseignants s’avère désormais difficile, pris en tenaille qu’ils sont entre d’une part, des élèves musulmans qu’il faut éviter d’offenser et d’autre part, les valeurs de la République qu’ils ont la charge de faire respecter. C’est précisément la situation dans laquelle se trouvait Samuel Paty.

À mon avis, deux positionnements rendent la tension presque irréductible : d’un côté, la République veut voir garanti le droit au blasphème, de l’autre, des élèves musulmans qui apprennent à la maison que toute forme de critique d’une religion et en particulier la leur, ne saurait être tolérée.
De plus, je pense que l’agression qui se fait croissante à l’égard des enseignants est liée à l’insuffisance de considération, voire au mépris qui entoure cette profession. Les enseignants sont mal payés. Leurs difficultés ne sont pas suffisamment prises au sérieux.

L’assassinat de Samuel Paty fera-t-il changer les choses ? Au lendemain de l’attentat, le Président de la République a réagi avec un discours ferme, en affichant sa volonté de durcir la lutte contre les terroristes islamistes. « Ils ne passeront pas. », a-t-il affirmé, haut et fort, ce à quoi, pour ne pas être en reste, Marine Le Pen, s’est aussitôt écriée : « Ils sont déjà là, jusque dans nos écoles ! ». Mais les discours musclés et les déclarations tonitruantes ne suffiront pas.

Le terrorisme est venu frapper à la porte de nos écoles. L’enjeu se situe donc là, aujourd’hui.

Plus que jamais,la citoyenneté doit être solidifiée et le laïcité à la française doit faire l’objet d’éducation, d’explication, de dialogue. Mais ce serait une grave erreur de laisser aux seuls enseignants le soin de répondre à cette lourde tâche. Nous avons tous à jouer un rôle dans ce travail, pour renforcer la capacité d’explication et de dialogue, en même temps que pour marquer la cohésion nationale sur ce plan.

Nous avons tous à jouer un rôle, en matière d’éducation, il est évident que les Associations d’Éducation Populaire ont vocation, elles, à s’investir prioritairement dans ce domaine de l’éducation à la citoyenneté, en collaboration avec l’école, de façon déterminée, en proposant des actions, des projets adaptés aux différents niveaux scolaires et susceptibles de relier l’école au vécu individuel et collectif des enfants et adolescents.

De 1998 à 2012, la Fédération Savoie Mont-Blanc des Universités Populaires a initié une dizaine de projets, en partenariat avec les écoles, en matière d’éducation à la citoyenneté, sous des formes différentes qui ont tous connus un franc succès, au sens où ils ont été appréciés par les enfants, les parents et les enseignants. Parmi ces projets, nous en mentionnerons trois qui ont eu une évidente efficacité :

Le projet REPÈRES

Son objet a consisté à permettre à des élèves de CM1, CM2 et 6ème d’acquérir des repères concrets qui leur assurent une meilleure insertion dans la vie sociale. Cette acquisition s’obtient par la contextualisation des élèves (déplacements, rencontres, visites, dialogues, informations…).

Trois types de repères font l’objet de cette recherche :

  • repères ENVIRONNEMENTAUX
  • repères CULTURELS et SOCIAUX
  • repères INSTITUTIONNELS

Plusieurs milliers d’élèves ont participé activement à ce projet réalisé par toutes les UP.

Le projet ESPACES DE PAROLES

Son objet a été d’organiser des rencontres de parents d’élèves, en particulier ceux d’origine étrangère, pour parler citoyenneté, laïcité, problèmes relationnels, dans l’école, dans le quartier, dialogue, questionnement, explication font surgir des réalités, des problèmes, des difficultés relationnelles, des incompréhensions, des blocages…

L’éducation à la citoyenneté se fait là, concrètement, dans un climat de confiance, surtout quand il s’agit de religion, de laïcité, en particulier.

Ce projet, très apprécié par les écoles et par les parents est réalisé, principalement à Cluses et à La Roche-sur-Foron, avec la participation, très précieuse de Ridha Ferjani, psychoclinicien.

Le projet DESSINE-MOI LES DROITS DE L’HOMME DESSINE-MOI LES DROITS DE L’ENFANT

Il s’agit de faire connaître les droits de l’homme et les droits de l’enfant, en faisant lecture des conventions internationales avec explication de ce qu’est l’O.N.U. et visite à Genève, puis en informant, expliquant et enfin en demandant aux enfants de représenter chacun des droits par le dessin.

Nous en faisons ensuite une brochure reliée. Le résultat est toujours magnifique, le dessin étant révélateur de la capacité extraordinaire qu’ont les enfants à traduire la complexité du droit.

Projet très apprécié par les enfants, les enseignants, les parents.

L’Éducation Populaire, répétons-le, a pour mission de s’atteler à l’éducation à la citoyenneté. Là doit être sa priorité.

Elle reste ainsi fidèle à son héritage porteur de sens, en matière de travail de la culture.

C ‘est d’ailleurs cette affirmation qui a fait l’objet de l’avis unanimement voté par le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), le 28 mai 2019 et transmis au Président de la République, en lui demandant de soutenir les associations porteuses de ce projet.

ÉDUCATION POPULAIRE, EXIGENCE DU XXIème SIÈCLE

C’est le titre que porte l’avis du CESE, adressé au Président de la République et contenant vingt préconisations pour aider au développement de l’éducation populaire et aux associations qui en sont porteuses.

Faire travailler la culture par l’observation,l’information, l’explication, le dialogue et l’action, c’est la démarche éducative considérée aujourd’hui comme essentielle pour répondre, plus que jamais, au besoin de comprendre et de vivre ,chacun et collectivement, la citoyenneté et laïcité.

Louis Caul-Futy