1) LES BLACK  BLOCS

À chaque manifestation, verrons-nous désormais se déchaîner la violence ? LES BLACK  BLOCS sont là.

Qui sont-ils et que veulent-t-ils ? La surenchère dans la violence engagée dès l’automne, où risque-t-elle de nous conduire ? Ces jeunes, qu’ont-ils à nous dire ?

Est-il-besoin de mettre le feu à une agence bancaire  de l’avenue Gambetta, à Paris, pour signifier que les banques symbolisent la finance ?

Et, s’il s’agit de déstabiliser l’État, le problème est de savoir où cela conduit ? Cette sorte de guérilla urbaine, loin d’être considérable, en réalité, mais qui devient démesurée, sur les chaînes d’information, entraîne inévitablement des réactions policières, à coups  de lacrymogènes et affrontements violents… Ainsi va notre société médiatique  où de lynchage en tabassage, une émotion chasse l’autre et… ainsi de suite. Si l’objectif est de pousser l’État de plus en plus autoritaire, c’est réussi ; nous avons un Ministre de l’Intérieur qui en saisit l’occasion pour plaire à la clientèle policière. L’engrenage est  engagé, il peut se poursuivre… avec déjà ce décret publié au Journal Officiel du 4 décembre qui réintroduit l’autorisation de fichage de nos opinions dénommées pudiquement « comportements et habitudes de vie ». Il est facile ainsi d’imaginer le côté extensible de l’arsenal répressif !

Qui sont donc les Black Blocs ?

À l’évidence, ce phénomène Black  Blocs  est le symptôme d’une société qui va mal. Tout de noir vêtus, ces jeunes rappellent les « autonomes » d’autrefois. Ce ne sont pas des anarchistes, ce sont des provocateurs de la surenchère dans la violence, avec les risques de conduire à un régime qui, sans être fasciste, ne  sera plus, déjà, une démocratie. S’il est  vrai que certains Gilets jaunes ont, eux aussi, en leur temps, cédé à la violence, cette violence était assortie de revendications qui rattachent leurs auteurs au mouvement social. Nous sommes aujourd’hui, avec les Black Blocs, dans une situation différente. Le Gouvernement ne s’est pas donné, comme porte de sortie, la désescalade, ce qui supposerait une forte politique sociale. Nous avons droit, en réalité, à une violence policière, en même temps qu’à une violence législative. De  la loi « sécurité globale » et ses articles qui touchent aux libertés au projet « anti séparatisme » qui peut prendre la forme  d’une loi anti casseurs/anti musulmans, (fermetures des mosquées, arrêt des associations, sur simple soupçon ou pour délit administratif…), nous avons là, désormais, un cadre administratif et législatif singulier qui crée un délit peu compatible avec une démocratie : la présomption de culpabilité !!

Et le Président de la République, comment se situe-t-il dans ce contexte particulièrement brouillé ? Devant le média Brut, il reconnaît  la réalité des violences policières mais ces quelques mots  qui relèvent pourtant d’une évidence, relancent immédiatement la fronde des syndicats de police. Ils se sentent en force, sachant le soutien qu’ils ont de la part de leur ministre. Alors ? Nouvelle crispation au niveau de l’État ?


Le 8 décembre, le président annonce, soudainement, un « Beauvau de la sécurité » (1), ce qui, à l’évidence, constitue la réponse à la question de crise. Si, à propos de commission, Clemenceau a pu dire : « Pour enterrer un problème, créons une commission. », il n’est pas certain que violences policières  et libertés publiques soient des problèmes disposés à se laisser facilement enterrer.

2) LA DÉRIVE MÉDIATIQUE

La rentrée médiatique de l’automne 2020 a marqué une dérive droitière significative et il apparaît même que cette évolution est effective, depuis un certain temps déjà. Samuel Gontier, journaliste à Télérama qui scrute les dérives du paysage audio-visuel français, dit même : « … que cela fait des années déjà que l’on franchit des crans supplémentaires, dans l’extrême-droitisation de ces chaînes, I-Télé, CNews, LCI, BMFTV mais cette rentée est particulièrement marquante. »

Quelques déclarations, lancées sur les plateaux, sont assez révélatrices, en effet, de ce que l’on peut entendre. Par exemple, à propos de mineurs étrangers isolés : « Ils sont des voleurs, ils sont des assassins, ils sont des violeurs ; c’est tout ce qu’ils sont, tous, tous, tous. » Cette déclaration est d’Éric Zemmour qui se produit sur CNews, depuis octobre 2019.
« Moi, quand je vais dans la rue, si je vois des jeunes filles avec des crop tops (2), je me déconcentre ». Celle-ci est d’Alain Finkielkraut, nouveau chroniqueur hebdomadaire sur LCI. On doit encore quelques perles du genre à Élisabeth Lévy, dans l’émission, « L’heure des Pros » de CNews où elle est également chroniqueuse.

Chaque jour, sur ces chaînes, des déclarations de ce genre pleuvent. De plus, notons que ces déclarations, comme beaucoup d’autres, sont lancées sur les plateaux de médias dits « traditionnels ».
Depuis quelques années, on a vu arriver, en remplacement de chroniqueurs capables de débattre, en une heure trente de quatre ou cinq sujets d’actualité, des chroniqueurs éditorialistes et autres consultants aux idéologies plutôt douteuses. Doit-on penser que cette droitisation du paysage médiatique français  relève du bon vouloir de patrons de droite,  désireux de mettre leurs chaînes TV, au service de leur idéologie comme ça été le cas, semble-t-il, avec l’arrivée de Vincent Bolloré à la tête du  groupe Canal, en 2015 ? Non, ce serait sans doute une lecture simpliste que de faire ce raccourci. Il semble en effet difficile de décorréler la situation actuelle du contexte politique de pays. Nikos Smyrnaios, maître de conférences en Information de la Communication, à l’Université de Toulouse III, fait l’analyse suivante : « L’extrême-droitisation que l’on constate aujourd’hui, dans certains médias français n’est pas un problème interne au domaine journalistique. C’est aussi le résultat de l’évolution du paysage politique vers la droite et l’extrême-droite. » Samuel  Gontier le rejoint en disant  que : « Le duel entre Macron et Le Pen  a conduit les médias à envisager  les débats politiques, sous le prisme de cet affrontement entre ce qu’ils considèrent être le centre et l’extrême-droite. »
Les chaînes ont donc mis en scène ce duel et ouvert un boulevard aux idées d’extrême-droite. Nikos Smyrnaios, lui,  met, de plus, en évidence le fait que l’extrême-droitisation des médias en question « découle aussi de choix économiques ». De fait, le passage d’une chaîne  d’information à une chaîne de débats permanents réduit considérablement les coûts ; inviter des intervenants à donner leur avis sur l’actualité coûte à l’évidence moins cher que de produire de l’information.
Ces chaînes portent une lourde responsabilité dans la diffusion des discours haineux dans l’espace public, y compris sur Internet. On observe, en effet, que lorsque le public voit à la télé des gens qui émettent des idées racistes, il se sent plus libre d’exprimer ces idées sur Internet, selon Samuel Gontier qui conclut  que « cela fixe l’agenda politique et médiatique ».

Et pendant ce temps-là, le terme « d’ensauvagement » qu’a emprunté  à  l’extrême-droite, notre Ministre de l’Intérieur, s’est  largement répandu dans les médias… Cette rentrée, décidément, a été rude !
L’horizon se teinterait-il de brun ?


(1) Beauvau est le nom que porte la place de Paris (V111ème) où se trouve le Ministère de l’Intérieur.

(2) Hauts très courts qui s’arrêtent au-dessus du nombril

 

Louis Caul-Futy